Télévision, radio, grands magasins, lieux publics, téléphone , on nous parle énormément sans qu’à aucun moment nous soit réservée la possibilité de réagir. Le Son du Mois est né du besoin naturel de répondre. Ces sons qui, de plus en plus, défilent, s’infiltrent, s’installent, puis, une fois installés, ne demandent plus qu’à se faire oublier pour mieux asseoir leur influence, nous voulions, une fois par mois du moins, pour nous même et pour les autres, en interrompre le flot assoupissant, les relever quand ils voulaient ramper, les isoler quand ils voulaient s’intégrer, les retenir quand ils voulaient s’enfuir. Bref, prendre le temps de les écouter en face,  de communiquer avec eux, à l’heure où, sous prétexte de communication justement, ils tendent de plus en plus à monopoliser la parole pour aussitôt après disparaître.
En gros, nous leur disons : « Vous vouliez communiquer ? Eh bien , ne partez pas : communiquons ». Un son nous agresse : plutôt que de le laisser filer, nous l’arrêtons – et nous le maltraitons. Un autre nous appelle : nous l’amplifions – et nous le sublimons. Un autre encore nous sussure à l’oreille et déjà prend la fuite : nous l’enregistrons – et le réécouterons. Le but à chaque fois est d’instaurer du jeu (au double sens, ludique et technique) là où l’ on ne trouve d’ordinaire que de la mécanique, de raviver en nous un pouvoir d’action et de transformation (qu’il s’agisse de montage ou de traitement sonore) sur ce qui aimerait se donner pour brut, insaisissable et définitif. Ainsi faisant, peut-être parviendrons nous à échapper aux deux écueils, opposés mais symétriques, qui selon nous menacent : d’un côté l’autisme (« Vous pouvez parler, je ne vous entend pas »), de l’autre le cynisme (« Vous pouvez parler, je vous entend, mais je ne vous écoute. Du point de vue formel, le Son du Mois est un journal mensuel sonore (devenu trimestriel). L’objet est un disque compact audio d’une durée approximative de 60 minutes, contenant des rubriques permanentes (entre autres : Editorial, Publicité, Information Génétiquement Modifiée, Tubes Comprimés, Feuilleton, Grand Débat, Internationale), à l’image de la presse papier. Les rubriques sont séparées par des jingles. Les artistes impliqués prennent prétexte de ces rubriques pour développer différentes approches sonores du mois. Les procédés sont libres (montage, transformation, musique), la seule règle du jeu concernant le matériau d’origine (sons qui ont marqué la période traitée). Il est clair cependant que la vocation du Son du Mois n’est pas informative mais artistique. C’est une reconstruction purement subjective, voire pour certaines rubriques satirique, de l’actualité, ce qui en fait l’équivalent sonore d’un dessin d’humoriste. Un cabu du son en quelque sorte, avec plus d’ambition poétique.